Fin août, alors que la France était toujours en pause, Gabriel Attal, 34 ans, nouvellement nommé ministre de l’Éducation nationale et favori du président Emmanuel Macron, a annoncé que « l’abaya ne pouvait plus être portée dans les écoles », rapporte Roger Cohen dans le New York Times
Son ordre brutal, s’appliquant aux collèges et lycées publics, interdisait les robes amples et longues portées par certains étudiants musulmans. Cela a déclenché un autre débat sur l’identité française.
Le gouvernement estime que l’éducation doit éliminer les différences ethniques ou religieuses au service d’un engagement commun envers les droits et responsabilités de la citoyenneté française. Comme le dit M. Attal : « Il ne faut pas pouvoir distinguer ou identifier la religion des étudiants en les regardant. »
Manifestations contre l’interdiction de l’abaya
Depuis cette annonce, des organisations musulmanes représentant les quelque 5 millions de minorités musulmanes ont protesté. Certaines filles portent des kimonos ou d’autres vêtements longs à l’école pour montrer que l’interdiction semble arbitraire. Un débat houleux a éclaté sur la question de savoir si la surprise du mois d’août de M. Attal, juste avant la rentrée scolaire, était une coup politique ou une nécessaire défense des idéaux laïcs de la France.
« Attal voulait paraître dur pour obtenir un gain politique, mais ce n’était que du courage », a déclaré Nicolas Cadène, co-fondateur d’une organisation de surveillance de la laïcité en France. « Le vrai courage serait de s’attaquer à la ségrégation scolaire qui conduit à des identités ethniques et religieuses distinctes. »
La question des symboles religieux dans les écoles n’est pas nouvelle. La France a interdit les publicités « ostentatoires » en 2004, laissant place à l’interprétation.
La question est de savoir si la loi cible de la même manière les foulards musulmans, les croix catholiques et les kippas juives, ou si elle se concentre principalement sur l’Islam. L’abaya, reflet de l’identité musulmane mais potentiellement vestimentaire modeste, était une zone grise jusqu’à la déclaration de M. Attal.
Dans la pratique, « ostentatoire » signifie souvent musulman. L’inquiétude de la France face aux fractures de la laïcité, exacerbée par les attaques islamistes dévastatrices, s’est concentrée sur le fait que les musulmans rejettent la « francité » au profit de l’identité religieuse et de l’extrémisme.
Le niqab, le voile, burkinil’abaya et même le foulard lors des voyages scolaires ont fait l’objet d’une attention inhabituelle en France par rapport à l’Europe et surtout aux États-Unis, qui mettent l’accent sur la liberté religieuse plutôt que sur la liberté de religion des Français.
Ces dernières années, la laïcité stricte, destinée en 1905 à exclure l’Église catholique de la vie publique, s’est durcie d’un modèle largement accepté autorisant la liberté religieuse à une doctrine inflexible et contestée adoptée par la droite et la société dans son ensemble comme moyen de défense contre des menaces allant de l’extrémisme islamique à l’islamisme. Multiculturalisme américain.
« Cela aurait dû être fait en 2004, et cela aurait été le cas si nous n’avions pas eu des dirigeants sans courage », a déclaré Marine Le Pen, leader d’extrême droite anti-immigration, à propos de la décision de M. Attal. « Comme l’a observé le général MacArthur, les batailles perdues peuvent se résumer en deux mots : trop tard. »
La question est : trop tard pour quoi ? Interdire les abayas dans les écoles comme le réclame M. Attal ? Ou arrêter la prolifération d’écoles défavorisées dans des banlieues en difficulté, où les opportunités pour les enfants immigrés musulmans sont réduites et où les risques de radicalisation augmentent ?
C’est là que la France est divisée, avec plus de 80 pour cent d’approuvant l’interdiction mais qui est cruciale pour l’avenir du pays.
Certains considèrent que la laïcité permet l’égalité des chances, tandis que d’autres la considèrent comme un moyen de garantir l’égalité des chances. hypocrisie masquer les préjugés, comme l’illustrent ces banlieues.
La décapitation de l’enseignant Samuel Paty en 2020 par un extrémiste suscite toujours la fureur. Pourtant, les émeutes qui ont suivi une fusillade policière contre un adolescent d’origine algérienne et marocaine ont montré un ressentiment face au risque perçu par les musulmans.
« Le gouvernement français invoque les lois de 1905 et 2004 pour ‘protéger les valeurs républicaines’ d’un costume d’adolescent, révélant sa faiblesse à permettre une coexistence pacifique au-delà des différences », écrit la sociologue Agnès de Féo dans Le Monde.
Éric Ciotti, des Républicains de centre-droit, a rétorqué que le « communautarisme », c’est-à-dire la priorité accordée à l’identité religieuse/ethnique sur l’identité nationale, « menace la République ». M. Attal, dit-il, a répondu de manière appropriée.
Les Républicains comptent parce que M. Macron n’a pas de majorité parlementaire, ce qui en fait un allié législatif probable.
La décision de M. Attal poursuit des objectifs politiques clairs. M. Macron gouverne depuis le centre mais penche à droite.
M. Attal a remplacé Pap Ndiaye, le premier ministre noir de l’Éducation, en juillet après que des attaques de droite l’ont contraint à démissionner, avec un racisme à peine voilé au vitriol.
Il a été accusé d’avoir importé la « doctrine de la diversité » américaine et de « tout réduire à la couleur de la peau », comme le dit le parti d’extrême droite Valeurs Actuelles.
Avant son éviction, M. Ndiaye avait rejeté une interdiction radicale de l’abaya, affirmant que les directeurs devraient décider au cas par cas.
Cheikh Sidibé, un professeur noir de 21 ans dans un lycée parisien, a déclaré que son ancien directeur avait maltraité les élèves musulmans en leur imposant des contrôles vestimentaires arbitraires.
« Nous devrions nous concentrer sur les vrais problèmes, comme les mauvais salaires des enseignants », a déclaré M. Sidibe, un musulman. « Les étudiants marginalisés en situation précaire ont besoin d’aide, pas de vêtements de police. »
L’impact politique reste incertain. Mais la mesure semble plus diviser qu’unifier malgré l’objectif de laïcité.
« La laïcité doit permettre la liberté et l’égalité quelles que soient les croyances », a déclaré M. Cadène. « Cela ne doit pas devenir une arme pour faire taire les gens. Cela ne le rendra pas attractif.