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Victimes de « sectes » ou de religions ?
L’Observatoire des sectes n’est pas chargé d’apporter une assistance psychosociale ou juridique aux victimes de sectes. Cependant, il oriente les demandeurs vers les services d’assistance appropriés et fournit des informations juridiques générales. Les abus et les souffrances décrits sont de nature très diverse, précise l’Observatoire.
Selon l’Observatoire, les victimes sont des personnes qui déclarent subir ou avoir subi une manipulation sectaire ou les conséquences d’une manipulation sectaire d’un proche.
L’Observatoire rappelle dans le texte de sa Recommandation que « la notion de victime est en réalité plus large que celle donnée par les définitions juridiques. A côté des victimes directes (anciens adeptes, etc.), il y a aussi des victimes collatérales (parents, enfants, amis, proches, etc.) et des victimes silencieuses (anciens adeptes qui ne dénoncent pas les faits mais qui souffrent, enfants, etc.) ”. Elle veille également à prendre certaines précautions oratoires et à ne pas cautionner l’état d’une personne se disant victime.
Sur le plan judiciaire, « les assistants de justice ne peuvent intervenir et apporter leur aide qu’en cas de dépôt de plainte pénale, ce qui est rarement le cas dans le contexte sectaire », précise l’Observatoire. Or, la notion de « culte » n’existe pas en droit, et « le contexte sectaire » encore moins.
Il est vrai que dans tous les domaines des relations humaines (familiales, conjugales, hiérarchiques, professionnelles, sportives, scolaires, religieuses…), les victimes ont du mal à porter plainte pour diverses raisons psychologiques ou autres.
Cependant, dans le contexte religieux, et en particulier dans l’Église catholique romaine, le nombre de victimes d’abus sexuels documentés et avérés passibles ou passibles de sanctions pénales est innombrable dans le monde. Au moment où ces abus ont été commis, les vraies victimes sont restées silencieuses et des milliers se sont abstenues de porter plainte. Le fait de singulariser et de stigmatiser les soi-disant « sectes » en dehors du contexte religieux général ne peut donner qu’une vision tronquée de la réalité. Les « sectes » n’existent pas en droit.
Qui doit payer pour les victimes ? L’Etat, et donc les contribuables ?
Partout dans le monde, il y a et il y a eu des victimes de divers types de groupes religieux, spirituels ou philosophiques. L’État ne fournit aucun soutien financier pour la prise en charge psychologique desdites victimes.
L’Église catholique a unilatéralement et finalement décidé de purifier ses rangs, d’identifier et de documenter les cas présumés d’abus, de traiter les plaintes devant les tribunaux ou dans d’autres contextes et d’intervenir financièrement pour couvrir les dommages causés par les membres de son clergé. Des actions en justice débouchant sur des amendes, des indemnisations financières des victimes avérées par la justice ou des peines de prison peuvent également être nécessaires.
Dans nos démocraties, les voies légales sont les plus sûres. La première aide à apporter aux personnes se disant victimes est juridique : les aider à porter plainte puis faire confiance à la justice pour établir les faits, confirmer ou non la qualité de victimes, et inclure dans ses jugements une compensation financière adéquate pour toute préjudice psychologique.
C’est le seul moyen crédible de déterminer s’il y a eu violation de la loi par un groupe religieux particulier, s’il y a eu des victimes et si elles doivent être indemnisées.
L’Observatoire du Culte est un centre d’information et de conseil. Elle peut donc légitimement émettre un avis et faire une recommandation aux autorités belges compétentes. Cependant, elle a perdu sa crédibilité puisque son avis concernant les allégations d’abus sexuels sur mineurs commis au sein du mouvement des Témoins de Jéhovah et prétendument cachés par la hiérarchie religieuse a été totalement désavoué par un tribunal belge faute de preuves en 2022.
Un avis de l’Observatoire des cultes pris en défaut par la justice belge
En octobre 2018, l’Observatoire des cultes a publié un rapport sur des allégations d’abus sexuels sur mineurs commis au sein de la communauté des Témoins de Jéhovah et a demandé au Parlement fédéral belge d’enquêter sur l’affaire.
L’Observatoire a déclaré avoir reçu divers témoignages de personnes affirmant avoir été victimes d’abus sexuels, ce qui a conduit à une série de perquisitions dans les lieux de culte et les maisons des Témoins de Jéhovah.
Ces accusations d’abus sexuels ont été fortement contestées par la communauté religieuse. Les Témoins de Jéhovah ont estimé que cela leur nuisait ainsi qu’à leur réputation et ont porté l’affaire devant les tribunaux.
En juin 2022, le tribunal de première instance de Bruxelles a donné raison aux Témoins de Jéhovah et condamné l’Observatoire.
Le jugement stipulait que l’Observatoire « a commis une faute dans la rédaction et la diffusion du rapport intitulé ‘Rapport sur le traitement des abus sexuels sur mineurs au sein de l’organisation des Témoins de Jéhovah' ».
Le tribunal de première instance de Bruxelles a également ordonné à l’État belge de publier l’arrêt sur la page d’accueil de l’Observatoire pendant six mois.
La décision du tribunal a été saluée par les Témoins de Jéhovah, qui avaient dénoncé une « rumeur particulièrement infâme » ciblant leur communauté de quelque 45.000 membres et sympathisants en Belgique.
L’Observatoire des cultes recommande un financement public pour les organisations peu crédibles ou transparentes
L’Observatoire précise que l’un de ses principaux partenaires côté francophone, la Service d’Aide aux Victimes d’Emprise et de Comportements Sectaires (SAVECS) de la Planification familiale Marconi (Bruxelles), a « aidé et conseillé des personnes qui déclarent souffrir ou avoir subi des manipulations sectaires ou les conséquences d’une manipulation sectaire d’un proche », mais qu’elle a fermé ses portes pour des raisons budgétaires.
Côté néerlandophone, l’Observatoire dit travailler en collaboration avec l’asbl Studie et Adviesgroep Sekten (SAS-Sekten)mais les bénévoles de l’association ne sont plus en mesure de traiter les demandes d’aide, qui restent sans réponse.
L’Observatoire salue l’expertise et le professionnalisme de ces deux associations.
Cependant, des recherches préliminaires sur ces deux organismes soulèvent des réserves sur leur transparence, et par conséquent sur la fiabilité de l’avis de l’Observatoire.
Le SAUVEC ne contient aucun rapport d’activité annuel, ni aucune information concernant les dossiers d’aide aux victimes qu’ils traitent (nombre de dossiers, nature, mouvements religieux ou philosophiques concernés, etc.).
Le Centre de Consultations et de Planification Familiale Marconi est également muet sur la question de l’aide aux victimes de sectes. Le Centre Marconi exerce les activités suivantes : consultations médicales ; contraception, suivi de grossesse, SIDA, MST ; consultations psychologiques : individuels, couples et familles ; consultations sociales; consultations juridiques; physiothérapie. Il propose également « un service d’aide aux victimes d’influences et de comportements sectaires – SAUVEC – : écoute et consultation psychologique, prévention, groupes de discussion ». L’aide aux victimes des sectes apparaît donc très périphérique à son mandat.
SAS-Sekten est une organisation créée en 1999 à la suite du rapport parlementaire belge sur les sectes, qui a une page sur le Site officiel de la Région flamande informer les habitants de la région sur l’existant services d’aide sociale. Bien que l’aide aux victimes de sectes figure au premier poste de son mandat, il n’existe pas non plus de rapport d’activité sur ce sujet. Là encore, un manque total de transparence et un écart énorme entre ce qui est annoncé et ce qui est peut-être réalisé.
La figure visible actuelle de SAS-Sekten est un ancien Témoin de Jéhovah qui a poursuivi le mouvement en justice pour discrimination et incitation à la haine. En 2022, il a perdu l’appel, ses accusations ont été déclarées non fondées.
Droits de l’homme sans frontières considère que le financement public de tels groupes, tel que recommandé par l’Observatoire des cultes, n’est pas crédible et qu’une autre solution doit être trouvée.
Le mauvais exemple de la France, à ne pas suivre
Le 6 juin 2023, Les médias français ont rapporté que la distribution de fonds publics à des associations douteuses avait conduit à la démission du président de l’Observatoire français des cultes (MIVILUDES) sur fond de Fonds Marianne scandale, dont il fut le gérant sous l’autorité de sa ministre, Marlène Schiappa.
Le 16 octobre 2020, un enseignant du secondaire, Samuel Paty, a été décapité par un extrémiste musulman de 18 ans pour avoir montré à ses élèves des caricatures de Mahomet publiées par « Charlie Hebdo ». A l’initiative du gouvernement français, le Fonds Marianne avait alors été lancé par la ministre Marlène Schiappa (budget initial de 2,5 millions d’euros). L’objectif était de financer des associations luttant contre l’intégrisme et le séparatisme musulman. Par la suite, le ministre Schiappa a soutenu que les sectes n’étaient pas moins séparatistes et fondamentalistes, et que les associations anti-sectes devaient être financées à partir de ce fonds. Certains d’entre eux proches de la MIVILUDES avaient alors été « priorisés » et avaient « bénéficié de privilèges », ce qui était bienvenu compte tenu de leurs difficultés financières. Le 31 mai 2023, l’Inspection générale de l’administration (IGA) rendait un premier rapport sur ce que l’on appelle en France le scandale du Fonds Marianne.
Des plaintes ont été déposées contre plusieurs associations anti-sectes françaises.
L’État belge et les contribuables ne doivent pas être utilisés pour renflouer les finances d’associations non transparentes.