Genève, le 21 juin 2023. Dans son sermon, lors de la cérémonie d’ouverture du comité central du Conseil œcuménique des Églises, le patriarche Barthélemy (Église orthodoxe, Constantinople) n’y a pas été facile. Il a critiqué » l’alignement de l’Église avec l’État agresseur dirigé par le patriarche Cyrille.« Il voit dans cette position »une réalité aiguë et douloureuse (qui) a déjà causé un préjudice générationnel à l’avenir du christianisme orthodoxe dans les terres slaves”. Il prie pour « la fin de la politisation inutile et insouciante de l’Église en Russie. Nous ne pouvons pas et nous ne devons pas laisser la militarisation de notre foi chrétienne devenir la norme”.
Immédiatement après le culte, l’évêque luthérien H. Bedford-Strohm, modérateur du comité central, met des gants. Pour lui, si le COE ne peut garder le silence sur l’injustice et a d’emblée condamné la guerre en Ukraine, il a avant tout une vocation de réconciliation. « Si nous, en tant qu’Églises, ne sommes même pas capables de jeter des ponts dans des conflits où les deux parties se considèrent chrétiennes, qui d’autre ? Si nous n’essayions même pas, si nous ne faisions que dupliquer les activités hostiles des partis qui se battent les uns contre les autres, à quoi serions-nous bons en tant qu’églises ? Nous trahirions notre Seigneur Jésus-Christ dont la Lettre aux Ephésiens dit : « Christ est notre paix » (Eph. 2 :14) ! En effet, depuis le tout début, il y a 75 ans, le COE a suivi cette voie, a-t-il déclaré dans son adresse au comité central.
C’est pourquoi, sous la conduite de son secrétaire général Jerry Pilay, une délégation du COE s’est rendue dans les églises orthodoxes d’Ukraine et de Russie pour voir comment ces églises pouvaient contribuer au rétablissement de la paix. Il les a invités à une table ronde qui se tiendra à Genève cette année. Invitation que les Églises ont acceptée.
Fernando Enns, délégué de l’Église mennonite au comité central soutient cette démarche. Il croit que la vocation de l’Église est de guérir les relations brisées. « Nous devons inviter autour de la table les autres Églises des deux pays, les orthodoxes. De plus, les femmes, pas seulement les hommes, car elles sont beaucoup plus préoccupées par les relations« , il a dit.
Appel à toutes les églises à la prière constante pour la paix
J. Pillay souligne «le rôle et la responsabilité des chrétiens en ce qui concerne les conflits armés et les menaces de force armée, l’appel biblique à être des artisans de paix et les préoccupations concernant l’utilisation abusive du langage religieux et de l’autorité religieuse pour justifier ou soutenir la violence armée et l’invasion ».
Avant tout, le Secrétaire général appelle les Eglises du monde entier à prier pour l’intervention de Dieu dans cette situation dramatique, car les chrétiens ne peuvent se contenter d’une analyse politique. Ils doivent ouvrir les Écritures où Jésus nous appelle à la paix. « Prier ensemble nous rappelle constamment que nous sommes appelés par Dieu à accomplir sa mission dans le monde. La prière nous permet de nous sentir en permanence centrés, concentrés et encouragés… Elle nous donne la sagesse, l’énergie et l’inspiration pour faire une différence ».
La prière est également essentielle pour soutenir la proposition d’inviter des orthodoxes ukrainiens et russes autour d’une table. Cela a soulevé quelques questions dans l’assemblée. Est-ce réaliste, trop optimiste ? Actuellement, aucun changement d’attitude n’est observé de la part des dirigeants de l’Église orthodoxe russe. Comment les mettre autour d’une table dans un contexte de guerre chaude ? D’autant plus que la délégation russe au comité central s’est sentie insultée par les propos du patriarche Bartholomée.
Bedford-Strohm en est convaincu : il faut essayer d’organiser cette table ronde. Nul ne connaît l’issue du dialogue, mais il est certain que cet effort ne sera pas vain. C’est pourquoi la prière est essentielle. « À l’assemblée du COE à Karlsruhe, nous avons prié et cela a débloqué la situation. La prière nous ramène à notre première loyauté qui est le Christ. Lorsque nous réalisons que ce n’est pas le cas, par exemple lorsque la loyauté principale est envers un gouvernement, nous devons nous interpeller. Jésus-Christ est notre base et rien d’autre ».
Pour J. Pillay, il ne faut pas parler d’optimisme, mais de foi. A Karlsruhe, le COE a déclaré cette guerre immorale, illégale et injustifiable. Mais cela ne signifie pas que nous devons rester inactifs. Peu a été fait pour trouver une solution à ce conflit très complexe. « Cela montre la nécessité pour les églises de s’engager. Mais notre base doit être l’Evangile et l’appel du Christ à la paix”.
Photo: Prière d’ouverture dans la Chapelle du Centre Œcuménique à Genève / WCC-Hillert