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Yasmine Zrioui  » Le premier colloque des imams d’Europe pour la lutte contre le radicalisme et le terrorisme »

Publié le

Du 17 au 20 février dernier, s’est tenu le « premier colloque des imams d’Europe pour la lutte contre le radicalisme et le terrorisme », à Paris. Une première historique de cette ampleur qui vient rompre les allégations de « politique de chaise vide » qui visent la communauté musulmane d’Europe. 

Organisée sous l’impulsion de l’imam de Drancy, Hassen Chalghoumi, des intervenants de différents courants musulmans se sont donc réunis autour de la même table pour partager leur expérience du phénomène de radicalisation au niveau local dans l’espoir de dégager des conclusions qui mettent en valeur les tenants et les aboutissants du processus de radicalisation ainsi que les solutions à apporter lorsque celui-ci se vêtit de l’Islam.

La soixantaine d’imams convoquée représente un échantillon riche du fait de la diversité de ses horizons, comptant notamment des membres de Belgique, d’Allemagne, d’Italie, d’Islande et bien sûr de France. 

Si les rassembler était une tâche, disons-le, complexe tant les disparités d’opinions et de visions peuvent être problématiques dans le monde musulman, c’est à l’Imam Chalghoumi qu’on le doit. Pourtant, il est encore aujourd’hui loin de faire l’unanimité alors même qu’il préside l’Institut de formation de l’Islam de France.

A chacune de ses prises de parole, les critiques fusent : un français pas assez maîtrisé pour en faire un emblème d’intégration, diront certains, une vision trop occidentalisée de l’islam, diront d’autres. Dans les faits, il constitue, par les actions qu’il initie, une des pistes les plus viables pour un Islam tolérant et apaisé sur la scène européenne.

Si on pouvait reprocher à ce rassemblement sa venue tardive, elle n’en serait pas moins nécessaire et attendue. Animés par la fervente volonté d’être pris au sérieux, ce colloque s’est voulu d’abord un travail réel de réflexion sur soi.

L’arrivée du groupe à l’Assemblée générale a donné le ton avec la rencontre du député honoraire Georges Fenech, invité d’ailleurs à prendre la parole durant le discours d’ouverture où il s’est réjoui du dialogue entrouvert entre représentants politiques et représentants musulmans pour se liguer contre cet ennemi commun qu’est la radicalisation.

Dès lors, la mise en commun des efforts des intervenants, hommes ou femmes musulmanes, a eu pour mot d’ordre : honnêteté intellectuelle. 

Des questions épineuses pour les musulmans et non-musulmans, d’Europe et d’ailleurs, ont été posés aux intellectuels et érudits présents, dont certains sont même affiliés aux universités le plus renommées du monde musulman comme Al-Azhar.

Comment en est-on arrivé là ? Et qu’est-ce-qui dans l’Islam pourrait justifier des actes d’une violence inhumaine ?

La visite au Bataclan du 18 février a été le catalyseur émotionnel de ce véritable travail d’introspection. Bientôt cinq ans après l’attentat qui a retiré la vie à 130 personnes officiellement, la gravité des faits n’a pas bougé d’un iota dans l’inconscient de tous et encore moins pour les millions de musulmans en Europe dont le quotidien s’est endurci. 

Certes médiatisée et critiquée, ce colloque a néanmoins eu l’ambition de tirer les choses au clair : le vrai problème de l’Islam est sa politisation. 

Bien que ce soit par le prisme de l’Islam et la relative subjectivité qui en découle que la lecture des événements a été faite, c’est par la raison que les nombreuses tables rondes qui s’en sont suivi ont permis d’analyser cette tare, de tracer les contours du profil radicalisé au nom de la religion et de proposer des solutions pour prévenir son apparition. 

Etant donné leur fonction d’imam, ou en d’autres mots, de « guide spirituel » au sein de la communauté musulmane, tous les intervenants ont été exposés au phénomène de radicalisation au jour le jour. Sur le terrain, ils leur arrivent de côtoyer de jeunes musulmans en perdition dans leur foi, dans leur identité et dans leur citoyenneté. Leur rôle est donc d’harmoniser ces trois niveaux et fait d’eux la pierre angulaire de la société musulmane.

C’est naturellement qu’il a été question de leur compétence en la matière et la nécessité de les former, en Europe, à ce défi ambitieux. Hasard du calendrier, au même moment, à Mulhouse, le président Macron faisait bilan de ses décisions pour combattre le séparatisme religieux : la fin des « Imams détachés » est une solution saluée par le colloque mais insuffisante si les moyens matériaux ne sont pas mis à la disposition des aumôniers par exemple, qui font du don de soi pour le bien de la communauté une nécessité, un métier même, mais qui vivent dans des conditions sociales étouffantes. Comment peut-on travailler dans les meilleures conditions quand le droit d’accès à la sécurité sociale est bafoué ou en ayant des contrats précaires ?

Rappelons que regagner la confiance du croyant, c’est le rassurer et lui éviter de franchir la fine ligne entre la foi et le dogme.  

Ce véritable travail de funambule se retrouve malheureusement gêné par le poids de facteurs socio-psychologiques dangereusement enchevêtrés. Des personnalités influençables qui s’agrippent à une version de l’Islam fabriqués de toute pièce par des personnes mal intentionnées ou dénuées de nuance. 

D’où l’importance de développer le pouvoir de la nuance par la maîtrise de la langue arabe. Cela ne peut être que plus vrai dans le cas de l’Islam, doté du Coran, un livre sacré d’une complexité linguistique telle que sa traduction est un défi même pour les plus grands érudits.  L’habilitation de cours de langue arabe a été un point abordé au sein de ce colloque, pour donner aux musulmans européens, les moyens de comprendre leur religion par eux-mêmes et de les former sur leur esprit critique. 

Ce dialogue entre croyant et imam, ainsi fluidifié, pourrait donc entrouvrir la possibilité d’une intégration plus complète du citoyen musulman dans les sociétés occidentales.

Cet équilibre se voit souvent parasité par l’ampleur que prennent les réseaux sociaux dans la vie des jeunes qui subissent le « marketing ciblé » de l’idéologie arriérée qui s’y déploie. 

L’importance du rôle de la famille sur cet aspect a bien été souligné maintes fois. Il s’agirait d’un contrepoids qui se doit d’être vigilant et à l’écoute.

En complément à cette introspection, il a été également question des maladresses des gouvernements en place dans la gestion de cette crise. Des maladresses sûrement dû à une mécompréhension de l’Islam, mais surtout des erreurs qui ont coûté cher notamment au niveau de la gestion du système pénitencier. Pour endiguer l’hémorragie radicaliste en prison, il faudrait donc utiliser les mêmes armes que les prédicateurs qui sèment cette idéologie étriquée et isoler, systématiquement, les plus suspects à y répondre positivement. 

Le dîner de clôture a été marqué par la présence de personnalités influentes du monde politique comme Bernard Kouchner, Pierre Cabaré, Meyer Habib et Guillaume Larrivé. Le magistrat et juge anti-terroriste Marc Trevedic a également fait acte de présence tout comme Haïm Korsia, le grand Rabin de France. Tous ces efforts se sont concrétisés par la conception d’un Livre Blanc qui fait état des lieux de la situation du terrorisme en Europe et propose des solutions en trois volets :

D’abord, partant du principe énoncé par Montaigne que la haine vient de l’ignorance, il faudrait revaloriser la communauté musulmane dans toute société dans laquelle elle vit. Comme dit précédemment, logiquement les mosquées seront tenues de recruter des imams républicains, ayant fait leurs études dans leur pays de résidence et ayant à cœur de parler la langue et de respecter la loi du pays où ils s’inscrivent. Par exemple, en France, l’introduction d’une faculté de théologie musulmane dans l’une des grandes universités de Strasbourg a été proposée en s’appuyant sur le Concordat qui permettrait la prise en charge des études de ces imams français.

En tandem avec la première, une autre solution serait de mettre en place un groupe de jeunes musulmans sur des plateformes bilingues afin de modérer, à coups d’arguments, d’autres jeunes musulmans dont l’idéologie s’est radicalisée.

Pour finir, la création d’un Conseil musulman européen est vivement conseillée. Il permettrait entre autres de coordonner l’action anti-terroriste, la formation, etc… Il travaillera en collaboration étroite avec les autorités (ministères de l’Intérieur, de la Culture et des Cultes) des pays représentés et en toute indépendance vis-à-vis des pays extra-européens. Il présentera chaque année son budget (constitué de subventions de l’État, de dotations privées et des taxes sur les produits hallal) et ce, en toute transparence.

Source : Yasmine Zrioui

 

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