Le pontife argentin invite à construire des ponts, quand le ministre italien de l’Intérieur, un rosaire à la main, prône une politique des ports fermés
Publié dimanche 7 juillet 2019 à 20:25, modifié samedi 13 juillet 2019 à 00:38.
Le pape a choisi son camp. Il a invité des migrants, des réfugiés et des opérateurs humanitaires à assister à une messe lundi matin en la basilique Saint-Pierre à l’occasion du 6e anniversaire de sa visite à Lampedusa. La cérémonie est organisée en plein affrontement entre les ONG opérant en Méditerranée et Matteo Salvini, le ministre italien de l’Intérieur qui défend sa politique radicale anti-immigration clandestine. Le pontife veut opposer à cette idéologie des ports fermés son message d’ouverture. François n’a cessé d’appeler depuis le début de son pontificat à «construire des ponts» plutôt qu’à hisser des murs.
Au terme de la prière de l’angélus dimanche, le pape a déjà demandé que ces ponts prennent forme. «Je souhaite que soient organisés de manière étendue et concertée les corridors humanitaires pour les migrants le plus dans le besoin», a-t-il lancé de la fenêtre du palais apostolique aux fidèles réunis place Saint-Pierre. Il a aussi profité de ce rendez-vous hebdomadaire pour «inviter à prier pour les morts et les blessés de l’attaque aérienne contre un centre de détention de migrants en Libye» mardi – 53 personnes ont alors été tuées. «La communauté internationale ne peut pas tolérer des faits aussi graves», a-t-il ajouté, avant de rappeler de manière indirecte que le pays nord-africain n’abrite pas, comme l’affirme le ministre italien, de «ports sûrs» pour les personnes sauvées en mer.
«Eviter le chaos»
François «parle toujours de migrants, de ports ouverts», s’emportait début mai le chef de la Ligue (extrême droite), en pleine campagne électorale européenne. «La vraie intégration n’est possible qu’avec des nombres contrôlés, poursuivait-il. Sinon, c’est le chaos, et je ne crois pas que [le pape] Bergoglio veuille le chaos.» Ce jour-là, Matteo Salvini longeait la clôture renforcée séparant la Hongrie de la Serbie, accompagné du premier ministre hongrois, Viktor Orban, autre figure de l’extrême droite européenne.
En déplacement en Europe de l’Est, où il tentait de réunir les droites dures du continent afin de former un nouveau groupe au Parlement européen après les élections du 26 mai, le ministre italien de l’Intérieur se sentait visé par le discours très politique du pape. Devant les membres de l’Académie pontificale des sciences sociales, le même jour, François condamnait «l’attachement au peuple, à la patrie» quand celui-ci «porte à l’exclusion et à la haine de l’autre, quand il devient nationalisme conflictuel qui élève des murs». Le souverain pontife observait «avec préoccupation la réapparition de courants agressifs envers les étrangers, surtout les immigrés, comme ce nationalisme croissant qui omet le bien commun».
Source letemps