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Algérie: des journalistes détenus plusieurs heures après un sit-in « contre la censure

Publié le

28 Fév 2019

AFP / RYAD KRAMDIUn policier algérien saisit un manifestation lors d’un rassemblement de journalistes contre la « censure », le 28 février 2019 à Alger

Une dizaine de journalistes algériens ont été arrêtés et détenus durant plusieurs heures jeudi après avoir participé à Alger à un rassemblement « contre la censure », à la veille de nouvelles manifestations annoncées contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat.

En début de soirée, alors que certains de ces journalistes avaient déjà annoncé sur les réseaux sociaux leur libération, le directeur de la communication de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN), Hakim Belouar, a indiqué à l’AFP que plus « aucun journaliste » ne se trouvait « dans les locaux de la police ».

Leur interpellation a eu lieu en fin de matinée, au début d’un rassemblement d’une centaine de journalistes des médias algériens –écrits et audiovisuels, publics et privés– visant à dénoncer les pressions subies et les restrictions de couverture « imposées par (leur) hiérarchie » du mouvement de contestation actuel.

« Libérez nos collègues », ont scandé les manifestants rassemblés sur la « Place de la Liberté de la presse », en centre-ville, selon une journaliste de l’AFP sur place.

AFP / Simon MALFATTOAbdelaziz Bouteflika

Dans le même temps, les reporters interpellés tambourinaient contre les parois des fourgons de police dans lesquels ils étaient enfermés. Ces véhicules ont ensuite quitté la place avec les journalistes à bord, d’après la même source.

« Non à la censure! », « 4e pouvoir, pas une presse aux ordres », ont encore clamé les autres manifestants, encerclés par des policiers.

De nombreux automobilistes ont klaxonné en solidarité ou criaient « Presse libre! », en passant devant le rassemblement.

– Référence à la Syrie –

Environ deux heures après le début du rassemblement, les très nombreux policiers déployés ont fait évacuer calmement la place.

AFP / RYAD KRAMDIDes policiers en civil tente d’emmener avec eux un manifestant lors d’un rassemblement de journalistes contre la « censure », le 28 février 2019 à Alger

Les journalistes se sont alors dirigés vers la Maison de la Presse Tahar Djahout –du nom d’un des premiers journalistes algériens assassinés durant la « décennie noire » (1992-2002) de guerre civile– avant d’être stoppés par un cordon de police et dispersés dans le calme en début d’après-midi.

Durant le rassemblement, des pancartes hostiles à un 5e mandat ont été brandies, mais cela a suscité un débat au sein des protestataires, certains estimant qu’en tant que journalistes, ils n’avaient pas à prendre position sur le mouvement de contestation en lui-même.

Tandis que la manifestation se déroulait, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a lui mis en garde contre les conséquences de la contestation actuelle, inédite en deux décennies.

« Des manifestants heureux ont offert des roses aux policiers. Mais rappelons-nous ensemble qu’en Syrie, ça a commencé aussi avec des roses », a-t-il déclaré au Parlement, en référence au sanglant conflit syrien, qui a fait plus de 360.000 morts depuis 2011.

Des députés ont quitté l’hémicycle en signe de protestation, tandis que d’autres ont applaudi.

– « Liberté d’informer » –

AFP / RYAD KRAMDIDes journalistes algériens manifestant contre la « censure », le 28 février 2019 à Alger

L’Algérie connait depuis près d’une semaine un mouvement massif de contestation contre la perspective d’un 5e mandat du président Abdelaziz Bouteflika, au pouvoir depuis 1999 et considérablement affaibli à la suite d’un AVC en 2013.

Les médias audiovisuels publics algériens et les télévisions privées, propriétés d’hommes d’affaires proches du pouvoir, ont durant plusieurs jours totalement passé sous silence le mouvement de contestation.

Des journalistes de la radio nationale ont dénoncé dans un texte un silence « imposé par (leur) hiérarchie ». Ils en ont profité pour dénoncer l’absence de neutralité à l’antenne, évoquant notamment le « traitement exceptionnel » réservé au camp du président Bouteflika.

Une journaliste de la radio qui a publiquement démissionné de ses fonctions d’encadrement pour dénoncer cet état de fait a fait savoir que son émission avait depuis été supprimée.

Les journalistes de l’audiovisuel public algérien –radio nationale mardi, puis télévision mercredi– se sont tour à tour rassemblés devant leurs sièges pour « la liberté d’informer », des initiatives extrêmement rares en Algérie.

Mercredi, l’audiovisuel public a finalement évoqué, à mots choisis, les manifestations d’étudiants de la journée.

La chaîne francophone de la télévision nationale a notamment diffusé des images en milieu de journal du soir, sans que le commentaire évoque le refus du 5e mandat parmi les revendications.

Les étudiants ont appelé « à des réformes dans un cadre démocratique calme et paisible », a déclamé la présentatrice, et ont « pu exprimer leur opinion (…) ce qui témoigne encore une fois que l’Algérie est un pays démocratique ».

Mercredi, RSF avait de son côté affirmé que les autorités algériennes mettaient « tout en oeuvre pour museler les médias » voulant couvrir la contestation, et avait dénoncé des « interpellations, agressions, interdiction de couvrir, confiscation de matériel, pressions sur les médias publics et ralentissement du réseau internet ».

RSF classe l’Algérie à la 136e place sur 180 dans son dernier classement mondial de la liberté de la presse.

Source AFP

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